1- Naissance du Classe M
Tout au long des années 20 le club de Marblehead,
dans le Massachusetts(côte Est à coté de Boston) était un cas à part dans le
cercle des voiliers modèles, puisqu'il était assez important (70 membres en
1930) pour soutenir ses propres classes. La classe locale la plus populaire
était celle définie par l'architecte naval bien connu L. Francis Herreshoff
: 450 pouces carrés de secteur de voile et aucunes autres restrictions.
L'image ci-dessus montre une flottille de 450's
sur l'étang de Redd à Marblehead vers la fin des années 20.
La classe 450, comme d'autres
classes sans restrictions, mène à des forme longues et élégantes avec des allongements
extrêmes. Le plan ci-contre, dessiné par C.W. SWEET, montre un 450 typique :
LWL 30.5inc, LOA 39, déplacement seulement 4.5 livres. En 1930 RoyClough, alors
commodore du club, a proposé une nouvelle classe de bateaux plus grands. La
première référence publiée que nous ayons est dans le N° de octobre/novembre
1930 de Model Yachting. La classe 450 a été si populaire, avec tant de bateaux
régatant à Marblehead, qu'une classe de bateaux plus grands a été crée. Ces
bateaux doivent être de 50 pouces au pont. Au début on lui a proposé de porter
700 sq inc de voilure, mais après un essai à 795 il a été question d'augmenter
la voilure jusqu'à 900 ou 1000 lors d'une réunion du club.
Un plan datant de cette époque
Le résultat, naturellement,
fut que la surface de voile a été fixée à 800 sqinc et ainsi la classe la plus
populaire dans l'histoire de la voile modèle est née. Appelé indifféremment
« Marblehead, » « 50/800, » ou classe « M », il
y eut en peu de temps plus de 1000 bateaux enregistrés. La classe est devenue
une classe nationale aux États-Unis en 1932 et une classe internationale en
1937. Il y avait beaucoup de raisons à sa popularité : la taille du bateau était
bien adapté pour la navigation dans toutes les conditions de vent et assez petite
pour tenir sur la banquette arrière d'une voiture. La simplicité des règles
contrastait avec les autres classes de l'époque, qui exigeaient des mesures
extensives pour déterminer si un bateau était légal.
Un des premiers Marblehead de M, par Roy Clough
En 1936, Roy Clough a écrit comment
l'idée de cette classe lui est venue :
"Je voudrais maintenant vous raconter comment cette classe a vu le jour.
L'idée de construire un bateau de cette taille m'est venue soudainement un dimanche
matin alors qu'il y avait à mon club une régate de vieux 450 pouces carrés.
Regardant dehors sur l'étang, je fus d'un seul coup conscient que bien que la
classe ait été limitée à 450 pouces carrés de voile nous avions des bateaux
très disparates. Des bateaux de toutes les tailles, de 30 à 45 pouces de long
; quilles régulières, quilles aileron, gouvernails de direction surplombants,
et des largeurs de cinq à dix pouces, le tout appartenant à la même classe !
Je suis rentré à la maison ce dimanche matin et ai dessiné mon bateau de rêve
coque et plan de voilure sur une vieille porte de grange. Les différents membres
du club sont venus pour la voir et ont été très favorables. Aussitôt après l'avoir
dessinée sur le papier et avoir construit le bateau, l'intérêt a commencé à
augmenter, et rapidement il y eut douze bateaux construits sur ce plan, chacun
avec quelques particularités."
Roy Clough et un de ses Classes M
Le classe M se développe rapidement aux USA et de nombreuses
épreuves sont organisées sur la Côte Ouest, réunissant 50 à 60 bateaux.
La classe est adoptée par l'AMYA, puis par la fédération allemande, qui organise
en 1936 une régate de démonstration à la fin des JO de Berlin (10 pays étaient
invités). Le Cheerio I de John Black remporte cette première course internationale
de classe de M.
La conception est intéressante parce qu'elle essaye de maximiser la longueur
à la flottaison et de maintenir toujours une forme ressemblant à ses grands
aînés.
Voici John Black et son bateau Cheerio I
sur le dock à Hambourg en 1936
Plan de Cherio 2, successeur de Chério
1 vainqueur à Hambourg
2- Le Classe M et la voile libre
En 1937, à l'occasion du meeting de l'IMYRU à Fleetwood,
le M est adopté comme classe Internationale. Le développement est relativement
faible en Europe, seulement 100 bateaux enregistrés en UK en 1939, contre plus
de 1000 aux USA.
Avant 1950, on a peu de renseignements sur le dessin des
M, quelques plans ont été conservés, mais on n'est pas sur que ce soit les dessins
des bateaux les plus impliqués dans la compétition. La tendance générale des
premiers M était une longueur à la flottaison de 40 pouces, largeur 9 et tirant
d'eau 7, pour un lest de 9 livres et un déplacement de 13 à 16 livres, gréement
de 60 pouces de hauteur et rapport foc/GV 25/75. Progressivement la longueur
à la flottaison s'est allongée jusqu'à 49 pouces, largeur 12 pouces, déplacement
dépassant 20 livres avec 77% de lest et un tirant d'eau à 13 pouces, tirant d'air
70 pouces. Tandis que la quille longue caractéristique des voiliers de l'époque
se transforme progressivement en aileron plus fin bien que le lest reste intégré
dans l'épaisseur de la quille. Cette période a également été marquée par l'apparition
des gouvernails automatiques (vane) et des systèmes auto vireurs qui ont sensiblement
modifiés la pratique de la voile libre.
Quelques plans et schéma de voile libre
Après 1950, l'Europe essaie de rattraper son retard pris
sur les Américain en raison de la guerre. L'apparition de voiles en tissus synthétique
à la place de la soie ou du coton, augmente de 15% l'efficacité des gréements
et entraîne l'élargissement des carènes et une augmentation du déplacement pour
assurer la stabilité dans la brise: déja les problèmes d'enfournement au portant,
d'autant que en voile libre le spinaker etait autorisé. En dépit de l'adoption
de forme planante, les déplacements restent très importants. Enfin la fin des
années 50 voit la naissance des coques en fibre de verre.
Quelques images de Classe M en voile libre au cours des époques
De 1960 à 1970 les quilles sont progressivement remplacées
par des dérives avec bulbe, l'abaissement du lest permettant enfin de diminuer
le déplacement et d'augmenter les hauteurs de mat pour le petit temps : 110
pouces (2794mm !!!) avec des mats alu haubanés. R Stollery affine l'utilisation
de la fibre de verre et descend le poids des coques à 3 livres au lieu des 5
à 7 livres d'un bateau en bois. Pour s'adapter au vent il est utilisé jusqu'à
5 gréements maxis (800sqin) et des surfaces réduites. Ce n'est qu'en 1971 que
les règles sont modifiées, limitant le nombre de gréement à 3 (avec 3 surfaces
par gréements) et la hauteur du plus grand à 85 pouces (arrondi aujourd'hui
à 2160mm). Les carènes évoluent pour suivre les formes planantes optimum et
les francs-bords avant augmentent pour limiter l'enfournement au portant (6
pouces pour le Bloodaxe de RS).
Le premier et unique Championnat du Monde de M en voile
libre a eu lieu à Fleetwood en 1975 avec 24 participants dont 21 anglais, les
3 "étrangers" finissant au 3 dernières places.
Pour mémoire 1 pouce = 2,54 cm et 1 livre = 453 grammes
3- L'arrivée de la radio-commande
Le premier article décrivant un voilier radio commandé
est daté du 10 sept 1934 dans le "Boston Traveler" (http://www.swcp.com/usvmyg/radio/radio.htm).
Le voilier était controlé par un unique bouton poussoir qui agissait
sur un sélecteur permettant d'actionner soit le treuil soit le servo
de barre, une poussée incrémentait le sélecteur d'un cran
, 2 poussées ramenaient le sélecteur au zéro.
Besoin d'un petit schéma !
Jusqu'en 1970 la radio commande était réservé
au classe A en raison de son encombrement et du poids de ses batteries. A la
fin des années 60, la démocratisation et l'amélioration
des équipements radio ont permis de commencer leur installation sur des
M en dépit d'un poids d'environ 1Kg dû principalement aux batteries
et au winch.
La radio commande a permis les courses en flottes autour de bouées en
utilisant les règles de courses à la voile, mais elle a également
profondément modifié la conception des bateaux. En effet, le bateau
pouvant être manuvré à volonté ne craint plus
les contacts violents avec un concurrent ou ceux encore plus redoutables avec
les berges du plan d'eau.
Une régate de classes M radio-commandés
Dans un premier temps l'habileté du skipper à
mener son bateau et à utiliser les règles a fait passer au second
rang les qualités du voilier, ce qui heureusement n'a pas découragé
les architectes qui ont continué à améliorer les carènes.
A partir de 1980, l'usage du carbone et du kevlar a permis de descendre le poids
des coques en dessous d'une livre, voiles en mylar et mats en carbone : le bateau
en ordre de marche pèse 10 à 12 livres, pour 9 de lest.
Toutes ces améliorations, réduction du poids
des coques, des gréements, des voiles et des radio, font que les M radio
commandés sont beaucoup plus léger que les M voile libre et ont
un rapport de lest plus faible (70%) mais sont plus raide à la toile
en raison de l'augmentation importante de leur tirant d'eau.
4- L'évolution du Classe M en Allemagne et aux USA
Aux Etats-Unis et au Canada, l'influence des petits airs
impose des surfaces mouillées minimaliste : bateaux étroits avec
des sections très rondes, dérives profondes et petits lests. Ces
dessins sont en fait annonciateurs de nos bateaux actuels.
Plans américains des années 80
En Allemagne, le devant de la scène est occupé
par Lupart et ses Anja et Janus Walicki et ses Skalpel. Ils sont caractérisés
par des formes peu profondes, des grandes dérives et des déplacements
légers. Mais surtout ils sont dotés d'un accastillage remarquable
de précision qui leur permet d'utiliser au mieux le moindre souffle d'air.
On verra que les dessins de Walicki actuels ont évolué vers quelque
chose qui ressemble beaucoup au Skinny de Johnson en1989.
Plans allemands des années 80
Un scalpel tout carbone (Merci Patrick !)
5- L'évolution du Classe M en Angleterre
Les premiers classes M Radio-Commandés sont des
" vane " légèrement modifié En 1974 a lieu le premier championnat
MYA, très peu des 27 participants sont dessinés pour la radio, mais ces déplacements
légers l'emportent facilement.
La conception des bateaux est marquée par le climat anglais, assez venté. Ce
qui amène les architectes a dessiné des bateaux à forme planante, bien équilibrés,
avec un tirant d'eau et un lest important. De même pour compenser l'absence
de spi, la taille des focs est augmentée.
Les dessins les plus marquant sont de Geoff Drapier (SailplaneII, Moonraker,
RM1000), David Hollom (Ashanti), Chris Dicks( 247), Roger Stollery (Bee) et
enfin Graham Bantock (No Secret, Paradox….)
Quelques plans anglais
6- L'évolution du Classe M en France
A l'inverse, les Français, naviguant surtout sur des plans
d'eau intérieurs en général peu ventés, utilisent des déplacements légers peu
équilibrés. Le Flo-Flo, dessiné en 1975 par un Américain expatrié en France:
Grant, devint fameux entre les mains de Pierre Jahan sous le nom de Concombre
Masqué.
Le bateau déplaçait 12 livres dont 7 de lest pour un maître
bau de 12 inches et était tellement instable qu'il fallait une position de
pied de mat différent pour chacun des 3 gréements. Jahan en disait qu'il était
si difficile à barrer que c'était un bon bateau pour apprendre.
Plan de forme de Comcombre masqué
Les bateaux de Jahan (ConcombreMkII, Duva et Déjah) et
Paul Lucas (série des Cédar) étaient large, peu profond, légers et pas particulièrement
bien équilibré mais efficace dans les petits airs. Les deux ont évolué vers
une conception plus English (bateaux étroits, équilibrés et plus lesté) sous
l'influence combinée des rencontres internationales et du développement des
clubs sur le littoral avec des conditions de vent plus musclées qu'à l'intérieur.
En 86 au CM de Fleetwood le Rajah et le Cédar Club font 1er et 2ème.
Quelques plans français
7- Le Présent et l'Avenir ?
Depuis de nombreuses années le Classe
M est une classe active et innovante. L'utilisation des matériaux composites
pour les coques, les grééments et les voiles sont choses courantes
de nos jours et les plans des bateaus se diversifient avec l'arrivée
de nombreux plans de passionnés qui naviguent sur leurs propres créations.
L'avenir du Classe M semble assuré
et le spectacle est garanti !
Bernard Merlaud - Yann DELUY