Le réglage des voiles au près serré
Dans les articles précédents, on a vu comment choisir le bon gréement et comment trouver la bonne position du mât pour avoir un bateau qui gîte de 30 à 35 degrés et qui est légèrement ardent quand les voiles sont bien réglées. Je vais maintenant essayer d’expliquer comment bien régler ses voiles.
La premier chose à faire, après avoir choisi son gréement, est de régler le pataras. Le plus souvent il faut un peu plus de tension dans les vents plus soutenus de façon à avoir assez de tension dans l’étai pour remonter au vent correctement. Le pataras cintre le mât qui plus est, ce qui va aplatir la grand voile, surtout dans sa partie supérieure – les deux tiers supérieurs de la voile précisément.
Sur un gréement classique avec un guignol et haubans réglables, on peut jouer finement sur la cambrure du mât dans son tiers supérieur. En jouant simultanément sur la tension du pataras et le réglage du guignol, on peut tout à la fois, obtenir assez de tension d’étai, sans que la courbure du mât soit trop prononcée. En tendant le guignol on creuse la voile et si on le détend on l’aplatit.
Sur nos gréements de M, avec mât non haubanné, il faut régler le pataras pour retrouver la courbure du mât pour laquelle la voile a été taillée. Si le pataras n’est pas assez tendu, la grand voile a beaucoup de creux et sa chute tend à se refermer, si la tension est excessive, tout le haut de la chute de la voile déverse piteusement comme si cette partie n’avait aucune tenue. Le vrillage de la grand voile se contrôle par le réglage de chute en bout de bôme ou par le hale-bas.
Si on n’obtient pas ce résultat (étai tendu et cintre correct du mât), c’est que soit le mât est trop souple, ou que les haubans ne sont pas assez tendus, ou bien qu’ils ne sont pas implantés suffisamment en arrière ou encore qu’il n’y a pas assez de rond de guindant dans la voile. Ce n’est pas au bord de l’eau que l’on peut régler celà, il faut le faire à l’atelier.
La seconde étape consiste à régler la grand voile. Tout d’abord on ajuste la tension de guindant le long du mât en jouant sur le cunningham de GV ou la tension de drisse. Il faut juste tendre assez pour supprimer les poches et les plis horizontaux de la grand voile. Si vous tendez trop, cela va provoquer un pli vertical juste à l’arrière du mât – et c’est pas bon du tout. Ensuite on règle la bordure le long de la bôme de façon que le creux de la voile à 30 cms du pont soit correct. En principe le creux doit être à 10% environ (soit 2 cms de creux si la laize fait 20 cms de large). Puis régler les écoutes de façon que la voile soit réglée à 1 voire 2 cms de l’axe du bateau. Régler alors le hale-bas de façon qu’à mi hauteur de la chute de la grand voile, celle-ci soit parallèle à l’axe du bateau. Si vous vous placez à 3 mètres derrière le bateau, vous alignez le pataras et le mât et vous devez voir, l’extérieur de la voile en bas, et l’intérieur en haut, la chute à mi-hauteur doit être dans l’axe du bateau. La quantité de vrillage n’est pas facile à décrire et il varie selon le vent. Mais dans les petits airs, ou des conditions très changeantes, ou dans des vagues hachées il faut un peu plus de vrillage dans les voiles. Recommencez à régler l’écoute et le hale-bas jusqu’à ce que vous soyiez satisfait du résultat.
Maintenant, on s’attaque au réglage du foc. Là aussi il faut d’abord s’assurer que le bord d’attaque est correct. On procède de la même façon que pour la grand voile en tendant le cunnigham de foc de façon à effacer les plis. Ensuit, on règle la bordure du foc, de la même façon que pour la grand voile – creux à 10% au tiers de la voile. Avec le même réglage d’écoute, et en vous plaçant derrière votre bateau, vous devez voir l’extérieur du point d’écoute de foc. Il faut que le foc soit un peu plus ouvert que la grand voile de 0,5 cm à 1,0 cm vue de derrière. On prend souvent comme repère 3 doigts du mât entre le bout de la bôme de foc et le mât. Ensuite il faut régler la chute de foc en agissant sur la balancine (ou le hale-bas de bôme de foc). On cherche à ce que la courbure de la chute du foc soit parallèle à la courbure de la voile sous le vent. Une fois que vous êtes satisfait du résultat, vérifier à nouveau. Pour régler finement la tension d’écoute, border le foc de façon qu’il renvoie dans la grand voile, puis choquer tout doucement pour rouvrir le couloir de façon à en voir 2 bons centimètre sous la grand voile, toujours placé derrière. Jetez un dernier coup d’œil à votre gréement et allez tester cela sur l’eau.
Sur l’eau, un nouveau paramètre vient s’ajouter. Comme le bateau avance dans l’eau, intervient le vent vitesse créé par son déplacement dans l’eau. Ce vent vitesse se combine au vent réel et donne le vent apparent dont la direction est affectée, le vent apparent vient plus de l’avant que le vent réel. De plus, le vent réel ne se propage pas à la même vitesse selon la hauteur au-dessus de l’eau au contraire du vent vitesse, le vent apparent est donc plus latéral en haut de la voile et plus venant de l’avant en bas de la voile. Et c’est pour cette raison que nous devons vriller nos voiles quand on navigue au près. Pour obtenir la meilleure efficacité, chaque partie de notre voile devrait être angulée pour le vent rencontré à cette hauteur. Si la voile est trop vrillée, le haut de la voile va fasseyer en premier, si il n’y en a pas assez, c’est le bas de la voile qui va réagir en premier. Et c’est là que les pénons sont vraiment utiles.

Remontez au près, voiles bordées, comme vous venez de le faire à terre, jusqu’à ce que le bateau remonte au maximum sans se mettre bout au vent. Vérifiez la barre sur chacun des deux bords. Si cela ne va pas, bateau trop ardent ou trop mou, rectifiez le réglage du mât et recommencez. Si votre bateau est neutre ou est juste un peu ardent, c’est bon, on continue le réglage. Alors que vous êtes au près serré, concentrez-vous sur les penons du foc. Abattez doucement sans choquer les voiles jusqu’à ce que les penons sous le vent commencent à s’agiter au lieu de rester collé à la voile. Notez bien si c’est le penon du bas ou celui du haut qui décroche en premier. Si c’est celui du haut, il faut vriller plus le foc, si c’est celui du bas, il faut vriller moins. Vous pouvez maintenant faire un second essai en remontant au près serré, si le penon du haut décrochait en premier, c’est le penon du bas qui va se remettre en position en premier et vice versa. Ramenez le bateau, et corrigez le vrillage jusqu’à ce que les deux penons décrochent simultanément. Si besoin rectifiez le vrillage de la GV pour que cela corresponde au vrillage du foc. Et n’hésitez pas à répéter l’opération jusqu’à ce que le bateau soit bien réglé.
Maintenant que le foc est bien réglé, il faut s’occuper de la fente entre le foc et la GV. Le bon réglage s’obtient en bordant le foc un peu trop pourqu’il renvoie dans la GV et de le choquer juste un peu pour que le dévent cesse. L’expérience ici est primordiale. Si le foc fasseye bien avant la grand voile, il n’est pas assez bordé, ou alors la grand voile est trop bordée, trop fermée. Si le bateau est vivant mais qu’il ne pointe pas assez, cela vient sûrement du foc. Si le bateau remonte bien, mais qu’il n’est pas vivant, la grand voile doit être un peu choquée. Si au contraire, la grand voile fasseye avant le foc, il y a un gros problème, ramenez donc le bateau à terre et reprenez les réglages à la base. Le foc doit fasseyer juste avant la grand voile, seulement juste avant. Si le bateau remonte bien, mais qu’il parait manquer de vie, ouvrez la fente un poil. Plus il y a d’air qui passe dans le couloir, et plus le bateau est puissant, mais si le couloir est trop ouvert, le cap est désastreux. Bon à ce stade, vous avez les bons réglages d’écoute, le couloir est bien réglé et les voiles sont bien établies.
Vérifions la grand voile. Si elle fasseye quelque part le long du mât, alors son vrillage n’est pas bon. Le bateau étant au près serré, abattez légèrement et vérifiez les pénons sous le vent. Si ils décrochent tous ensemble c’est bon, sinon modifiez le vrillage. Maintenant, regardez les pénons au vent de la grand voile. S’ils sont tous correct sauf un, alors la voile est trop creuse à cet endroit. Bon mais si tous les autres penons sont corrects – je laisse ce penon du milieu décrocher avant les autres. En fait je m’en sers comme ceci, en abatant un poil, il recolle et je vais vite, et si je veux remonter au maximum je le laisse décrocher.
Tout est bien réglé à ce stade, on peut se pencher sur la barre Si le bateau est trop ardent et que vous passez votre temps à le maintenir dans le vent, modifiez la position du mât vers l’avant et recommencez le processus de réglage ci-dessus. Si le bateau gîte trop, changez de gréement. Si le bateau est mou, alors c’est mauvais signe. Reculez le mât ou bien mettez un gréement plus grand si l’angle de gîte est insuffisant. Idéalement, le bateau devrait être neutre dans les molles, être très légèrement ardent dans le vent moyen et ardent, mais sans excès, dans les risées les plus fortes. Un dernier point, la barre est-elle la même sur les deux bords ? Si ce n’est pas le cas, votre safran n’est sans doute pas bien centré.
Partons du principe que votre bateau est réglé aux petits oignons, essayez de naviguer avec quelqu’un qui règle bien son bateau d’habitude. Jouez avec le réglage du foc pour trouver ce petit plus qui va vous faire aller un poil plus vite et ou pointer mieux. Et quand vous êtes content de votre VMG (gain au vent), revenez à terre et regardez votre bateau sous tous les angles. Prenez des notes. Gardez l’esprit critique, revérifiez tout. Essayez à nouveau. Ce que vous devez pouvoir faire, c’est re-régler le bateau de la même façon dans un minimum de temps quand vous rencontrerez les mêmes conditions la prochaine fois. Essayez et surtout mémoriser de quoi a l’air votre bateau quand il est parfaitement réglé. Vous allez être surpris à quel point vous allez pouvoir régler votre bateau ensuite sans même l’avoir mis à l’eau, avec l’expérience. Et le plus souvent, un ou deux petits changements suffiront après le premier essai dans l’eau. Si vous doutez de votre réglage, n’hésitez pas à observer le gréement de vos copains qui sont les meilleurs et essayez de reproduire ce que vous voyez. Si vous commencez à régler différemment d’eux, vous aurez acquis assez d’expérience pour régler comme vous le préférez. Posez des questions si vous n’êtes pas sûr de vous, mais évitez les questions générales, soyez précis dans ce que vous demandez. Il vaut mieux demander : “Est-ce que ma voile est trop vrillée ?”, plutôt que “Il faut qu’elle soit comment; ma voile ?”.
Que faire si le vent change ? Si le vent change peu, disons d’un noeud ou deux, il ne faut probablement rien changer. Au-dessus de deux noeuds, il faudra sans doute modifier le vrillage à minima et peut-être d’autres choses. Si la gîte du bateau excède 45 degrés, ou bien qu’elle est inférieure à 25 degrés, il faut adapter le gréement. Si le bateau devient très ardent, ou très mou, alors il faut re-régler le bateau selon la méthode présentée plus haut. Ce n’est pas très compliqué à apprécier car les critères sont clairs. Le cas plus compliqué est celui du vent très irrégulier, quand il n’y a pas vraiment de gréement bien adapté. C’est un compromis qu’il faut trouver dans ce cas, avec du vrillage, la position médiane du mât, et le choix du gréement – tout cela est une question d’expérience avant tout. Tout ce que je peux vous conseiller dans ce cas est que si vous perdez le controle du bateau au portant, n’hésitez pas, changez de gréement pour un plus petit. Mais si vous parvenez à controler le bateau au près et au portant vous pouvez garder votre gréement. Ce doit être un bon gréement dans les molles, mais il faut régler le mat un peu plus en avant pour éviter que le bateau deviennent trop ardent dans les bouffes, vous garderez le controle du bateau dans les risées en choquant un peu les écoutes – ajoutez du vrillage dans les voiles, cela va beaucoup aider à affronter ces conditions très difficiles.
Dans cet article, j’ai essayé de vous indiquer comment régler le bateau pour un réglage tip top. Et dans des conditions idéales, vent régulier, sans vague et avec le bon gréement pour les conditions du jour de façon que le bateau ne soit ni sous toilé, ni surtoilé. C’est malheureusement assez rarement les conditions que l’on rencontre. Mais si vous ne comprenez pas comment on règle son bateau dans des conditions idéales, vous n’avez aucune chance de bien le régler quand les conditions sont changeantes. Rappelez-vous aussi que vous ne serez pas forcément en mesure de trouver le bon réglage et le bon comportement du bateau parce que votre matos n’est pas au point. Vous verrez peut-être des plis dans la voile, ou des tensions diagonales du point d’écoute vers le milieu de mât comme on le voit assez souvent. Rappelez-vous donc que la préparation de son bateau commence à l’atelier.
Source : Canadian Radio Yachting Association Bob Sterne – article original 2002

Le réglage de la position du mât

Régler le bateau pour les conditions extrêmes
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